Glossaire

« Altérisation »

Le néologisme « altérisation » (en anglais othering) sert à désigner le processus de mise à distance d’un groupe de personnes pour consolider une identité collective. Il s’agit de délimiter une frontière et de catégoriser les individus selon qu’ils appartiennent ou non à son propre groupe. Cette entreprise doit sans cesse être réitérée : pour renforcer le « nous  », les autres groupes sont réduits à des stéréotypes qui les présentent comme « étrangers  » et « différents ».
Les stéréotypes sont utilisés pour catégoriser les personnes en fonction d’une multitude de critères : classe sociale, appartenance ethnique ou religieuse, genre, âge, orientation sexuelle, nationalité ou différences biologiques supposées (« race »). La pratique de l’« altérisation » s’insère toujours dans des rapports de pouvoir et de domination spécifiques. La construction de l’« Autre » se fonde sur la conviction que le « soi » — considéré comme la norme — a un statut supérieur et une valeur plus élevée. L’« altérisation » peut déboucher sur la discrimination et à la xénophobie.

« de couleur »

L’expression « personne de couleur » est une désignation impropre et dévalorisante héritée de l’époque coloniale. Elle est étroitement liée à l’histoire de la ségrégation raciale. La notion implique que les êtres humains blancs n’ont pas de couleur et qu’ils représentent donc la norme. Ceux dont l’apparence physique diffère sont considérés comme « anormaux ».
Les personnes que les membres de la société majoritaire ne perçoivent pas comme blanches et qui subissent le racisme se désignent elles-mêmes comme des personnes racisées.

« Indien »

Le nom « Indien » est une appellation générique encore utilisée de nos jours pour désigner les peuples autochtones d’Amérique, mais lourdement connotée du fait de son histoire. Elle a son origine dans l’erreur que fit Christophe Colomb lorsqu’il débarqua en Amérique en pensant avoir atteint l’Extrême-Orient. Toute cette région du monde était à l’époque nommée « Inde ». C’est pourquoi les autochtones d’Amérique furent appelés « Indiens ».
L’utilisation de cette appellation suscite des associations d’idées qui font la part belle aux clichés eurocentristes. Bien qu’elle évoque également des stéréotypes romantiques positifs, ceux-ci correspondent rarement à la réalité. Le colonialisme et les expositions d’ethnographie coloniale n’ont fait que renforcer et diffuser plus largement ces représentations des « Indiens ». Beaucoup de personnes ainsi désignées trouvent ce terme humiliant. Elles se nomment elles-mêmes Native Americans aux États-Unis et First Nations / Premières Nations au Canada

« N_ / N**** »

Ce mot dérive du latin niger, qui signifie « Noir ». Dans la langue française, son utilisation n’est jamais neutre, car il s’agit d’une insulte porteuse d’une histoire très spécifique, qui nie en bloc l’humanité de la personne ainsi désignée.
Ce mot est étroitement lié à la théorie racialiste élaborée à partir du 18e siècle pour justifier le colonialisme, l’esclavage et la ségrégation : la séparation de l’humanité en des « races » distinctes n’ayant pas toutes la même valeur. L’utilisation du mot N_ pour les personnes noires a servi à conforter la position privilégiée des Européen·nes par rapport aux personnes colonisées et victimes de l’esclavage. Employer ce mot comme injure est passible de poursuites pénales. L’abréviation par « N » ou « N*** » est un procédé linguistique permettant de ne pas reproduire l’appellation raciste.

« païen »

L’adjectif « païen » fut accolé à des personnes qui, selon la vision chrétienne, n’appartenaient pas à une religion monothéiste. Ce mot comportait le plus souvent une connotation très négative, car les populations dites « païennes » étaient considérées comme inférieures, « primitives », « sauvages » et « non civilisées ».

« Peuples primitifs »

Un procédé typique du colonialisme consistait à établir une différence entre les peuples primitifs et les peuples civilisés — entre la nature et la culture — afin de les placer dans un rapport hiérarchique.
L’Europe s’arrogeait une supériorité culturelle, et les peuples non européens, en particulier en Afrique et en Amérique du Sud, étaient représentés à mi-chemin entre l’humain et l’animal, donc censés être « plus proches de la nature ». Selon les contextes, l’expression « peuple primitif » pouvait faire référence à des stéréotypes romantiques, par exemple celui du « bon sauvage » vivant en harmonie avec la nature, non encore corrompu par la civilisation et la modernité. Péjorative, cette appellation n’est plus guère utilisée de nos jours. On lui préfère celle de « peuple autochtone ».

Anticolonialisme

La notion d’anticolonialisme englobe toutes les formes de résistance au colonialisme, qui vont de la critique à la lutte armée.

Anticommunisme

L’anticommunisme est une attitude défensive face à l’idéologie politique du communisme, perçue comme un danger. Cette attitude était très répandue en Suisse, en particulier pendant la Guerre froide.
Lors de la décolonisation, la peur du communisme, parfois irrationnelle, prit des proportions mondiales et les pays hostiles à cette idéologie mirent tout en œuvre pour l’empêcher de gagner du terrain.

Aujourd’hui

Le site Internet colonial-local a été créé entre 2021 et 2022. Le terme « aujourd’hui » utilisé ici va au-delà de l’année 2022 et signifie le temps présent, le temps dans lequel les textes sont lus. « Aujourd’hui » est alors un terme symbolique se distinguant du « hier », du passé. Il nous interroge sur notre manière de vivre ensemble.

Collections coloniales

De nombreux musées européens ont été fondés entre le 17e et le 20e siècle, une période marquée par l’expansionnisme colonial. Les Européen·nes ramenèrent des colonies des objets ethnographiques, des œuvres d’art, des animaux empaillés, mais aussi des restes humains présentant un intérêt historique, qui furent étudiés par les scientifiques et exposés publiquement.
Les colonisateur·rices, scientifiques, explorateur·trices ou missionnaires entrèrent en possession de ces objets de diverses manières. Dans certains cas ils furent négociés, dans d’autres, il s’agissait de trophées de guerre. La plupart de ces collections se trouvent toujours dans des institutions européennes, mais cela est-il justifié ? Cette question suscite un vif débat. Pour certain·es, les musées ethnographiques en Europe sont des symboles de l’exploitation. Les musées des Beaux-Arts et les musées des missions possèdent eux aussi des collections qui proviennent des territoires autrefois colonisés. De nombreuses institutions muséales cherchent aujourd’hui le dialogue avec les anciennes colonies afin de trouver des solutions adéquates pour le devenir des collections.

Colonialisme

Le mot latin colonia signifie « établissement » : le colonialisme désigne la politique de conquête et d’exploitation de territoires, pour la plupart non européens, par des pays surtout européens entre le 16e et le 20e siècle. Ceux-ci cherchaient à y exercer un contrôle politique, économique et militaire afin de s’y établir durablement.
L’un des facteurs qui déclenchèrent l’expansion coloniale fut la forte demande des Européen·nes en épices, substances colorantes, or et esclaves, que l’exploration et la conquête de nouveaux territoires permettaient d’assouvir. La surpopulation du continent européen posait également problème et les colonies constituaient un lieu d’émigration bienvenu. Les nations s’étendirent au-delà de l’espace habité par leur population, soumirent les groupes humains qui vivaient sur les terres conquises à des régimes qui leur étaient totalement étrangers et pillèrent leurs ressources. Le colonialisme supposait un rapport de domination : les colonisateur·rices voyaient dans les colonisé·es des êtres inférieurs dont la culture était moins évoluée, ce qui légitimait les inégalités de statut. Cette soi-disant supériorité de « soi » face à un « Autre » prétendument arriéré et sous-développé est une des conditions préalables au colonialisme, et les colonisateur·rices devaient sans cesse en apporter la preuve au quotidien.

Commerce triangulaire

Les navires européens pratiquant le commerce triangulaire abordaient les côtes de l’Afrique de l’Ouest avec des marchandises qui étaient échangées contre des êtres humains. Ceux-ci étaient soumis à l’esclavage et déportés sur le continent américain pour y être vendus. Les navires revenaient ensuite en Europe les cales pleines de produits coloniaux comme le sucre, le café ou le coton, récoltés ou fabriqués par des esclaves.
Cette définition du commerce triangulaire est celle de la Centrale fédérale allemande pour l’éducation civique bpd. La bpb a publié sur son site web plusieurs articles et infographies au sujet du postcolonialisme : https://www.bpb.de/themen/kolonialismus-imperialismus/postkolonialismus-und-globalgeschichte/242213/transatlantischer-sklavenhandel-und-dreieckshandel/

Conférence de Berlin

La Conférence de Berlin (parfois nommée Conférence de l’Afrique de l’Ouest) se déroula de novembre 1884 à février 1885 à Berlin. Elle déboucha sur un acte officiel qui légitimait le partage de l’Afrique entre les puissances coloniales. Le résultat se voit aujourd’hui sur la carte de l’Afrique, où les frontières entre États ont été tracées à la règle.

Couleur de peau

Le classement des couleurs de peau dans les catégories « blanche », « noire », « rouge » ou « jaune » est arbitraire : la pigmentation de la peau est différente chez chaque individu. Pourquoi l’opposition du blanc et du noir imprègne-t-elle encore si profondément notre pensée ? La couleur de la peau a été diversement perçue au fil du temps et elle a servi à justifier des rapports de domination. À la lumière de cette histoire, ce concept se révèle être une construction sociale.
Au Moyen-Âge, la classification des couleurs de peau telle que nous la connaissons n’existait pas encore. Ce n’est qu’avec le colonialisme et la traite transatlantique que l’on s’est mis à ordonner les peuples, les pays et les continents selon ce critère. Les êtres humains blancs furent regroupés en une seule « race » et placés au sommet de la hiérarchie. Cette position devait légitimer l’expansion européenne ainsi que la soumission et l’exploitation des autres groupes humains. La blancheur fut érigée en norme, et celles et ceux qui s’en écartaient devaient se considérer comme anormaux. Aujourd’hui encore, les personnes qui passent pour blanches jouissent de divers privilèges. À l’inverse, celles qui sont perçues comme « différentes » sont souvent exposées à la discrimination et au racisme. Pour rappeler que les « couleurs de peau » ne correspondent pas à des catégories biologiques, mais sont des constructions socioculturelles, on peut écrire blanc en italique et sans majuscule, mais mettre une majuscule à l’adjectif Noir. Par cette graphie, le mot devient un nom propre doté d’une connotation politique.

Culture coloniale

La soumission de régions non européennes à la domination coloniale ne fut pas qu’un phénomène économique et politique. Elle s’accompagna de représentations culturelles qui l’encouragèrent. Dans les métropoles européennes, le projet colonial nécessitait une légitimation constante.
Il fallait convaincre les opinions publiques que les personnes non européennes étaient « inférieures » et qu’elles ne pouvaient s’élever culturellement et accéder à la « modernité » que par l’imposition de la civilisation européenne, l’industrialisation et le christianisme. Ce « savoir » colonial fut décliné sous diverses formes et diffusé dans l’ensemble de la société, à travers les manuels scolaires, les musées, les pièces de théâtre, la musique, le langage, la littérature ou la science. Des pays comme la Suisse, qui ne possédait pas de colonie officielle, furent eux aussi marqués par la culture coloniale, à laquelle ils contribuèrent à leur manière.

Décolonisation

La notion de décolonisation désigne le moment où les anciennes colonies se sont constituées en États indépendants et la période historique au cours de laquelle elles ont conquis cette indépendance politique. Ce mot renvoie également au processus global de désintégration des conditions et des structures coloniales, qui s’étend sur une plus longue durée et a des répercussions dans tous les domaines : économie, culture, savoir scientifique…
Ce processus n’est toujours pas achevé, comme le montrent les polémiques autour des collections coloniales des musées européens et de certains noms de rues dans nos villes.

Émigré·es vs colonisateur·rices

Lorsqu’on parle des Suisses qui quittèrent leur pays natal au 19e siècle, on les décrit habituellement comme des émigré·es. Ce terme occulte cependant la réalité du contexte colonial : les émigré·es suisses contribuèrent en effet bien souvent à renforcer les rapports de domination qui existaient dans les colonies.
De par leur origine, les Suisses faisaient automatiquement partie de la classe des privilégié·es. Ils et elles peuplaient les colonies et étaient de ce fait des colonisateur·rices. Certain·es possédaient des esclaves et les exploitaient dans le but de s’enrichir. Si l’on considère les Suisses qui s’embarquèrent pour les colonies comme des émigré·es, on ne raconte qu’une partie de l’histoire et on passe sous silence le rôle qui fut le leur dans le pays d’accueil. Aujourd’hui encore, le choix des termes utilisés pour désigner les personnes qui quittent leur pays fait l’objet d’un vif débat. Qu’est-ce qui différencie un·e migrant·e d’un réfugié·e ? Un·e expatrié·e d’un·e « réfugié·e économique » ? Cette discussion révèle des jugements de valeur et des stéréotypes, car en fonction de l’origine de la personne, les mots pour les désigner ne seront pas les mêmes.

Esclavage

L’esclavage désigne la condition des personnes dont on considère qu’elles sont la propriété d’autrui. Ce système déshumanisant existe depuis l’Antiquité et a pris une forme nouvelle à l’époque moderne sous l’effet du colonialisme.
Les colonisateur·rices avaient en particulier recours aux esclaves dans les colonies du continent américain, où ils exploitaient des plantations exigeant une main d’œuvre très importante. Dans le cadre du commerce triangulaire, les colonisateur·rices européen·nes déportèrent des millions de personnes d’Afrique vers l’Amérique du Sud et du Nord. Ce n’est qu’au cours du 19e siècle qu’un mouvement anti-esclavagiste apparut notamment en Grande-Bretagne pour réclamer l’abolition de l’esclavage, et, à force de luttes, obtint son interdiction.

Eugénisme

Le mot eugénisme vient du grec « eugenes », qui signifie « bien né ». Il existe en allemand un mot correspondant, Erbgesundheitslehre, que l’on peut traduire par « théorie de la santé génétique », souvent mise en lien avec l’« hygiène raciale » prônée par l’idéologie nazie, dont l’eugénisme est une composante.
L’eugénisme part de l’idée qu’il est possible d’« améliorer » le patrimoine génétique humain. Les connaissances sur le génome humain sont appliquées à des politiques démographiques et sanitaires visant à propager les gènes jugés favorables (eugénisme positif) ou à éliminer les gènes considérés comme défavorables (eugénisme négatif). Les concepts eugénistes étaient particulièrement répandus durant la première moitié du 20e siècle et firent alors l’objet de nombreuses discussions. C’est à cette époque qu’on commença en Suisse à procéder à des stérilisations et castrations forcées pour des motifs eugénistes — une première mondiale. Jusqu’au milieu des années 1980, des milliers de personnes, en particulier des femmes, furent stérilisées contre leur gré, en raison de la prétendue « infériorité » de leur patrimoine génétique.

Eurocentrisme

L’eurocentrisme désigne la tendance à ne considérer les sociétés et les cultures non européennes que dans une perspective européenne, en les jugeant selon les valeurs et les normes européennes.
L’Europe est perçue comme le centre du monde, d’où procède toute pensée et toute action, et cette position n’est jamais remise en question ; son histoire et son développement sont le mètre étalon auquel sont comparés les autres pays et cultures. Le colonialisme fut une manifestation particulièrement flagrante de cette mentalité, dont les effets se font toujours sentir aujourd’hui.

Fribourg

Les textes du site web colonial-local se basent tous sur des sources historiques provenant de la région de Fribourg. Ces sources montrent qu’au-delà de l’histoire locale, le contexte fribourgeois permet d’écrire une page de l’histoire suisse et de mettre en évidence les multiples manières dont celle-ci s’imbrique dans l’histoire mondiale.
La région de Fribourg fournit plusieurs exemples illustrant comment la Suisse a activement participé au projet colonial. Comme les femmes, les hommes et les enfants des autres régions suisses, les Fribourgeois·es ont découvert le monde colonial à travers les expositions d’ethnographie coloniale, les biens de consommation et la publicité. De par sa situation géographique à la frontière des espaces francophone et germanophone, sa dominante rurale et son attachement au catholicisme, Fribourg permet d’approcher l’histoire coloniale suisse sous un jour bien spécifique. Contrairement à la plupart des cantons de Suisse romande, Fribourg ne se convertit pas au protestantisme au moment de la Réforme. Sa capitale devint bientôt un centre névralgique du catholicisme international. Ce rayonnement doit beaucoup à l’Université de Fribourg, fondée en1889, dont deux composantes majeures furent dès l’origine le bilinguisme et l’orientation catholique. L’Université attirait de ce fait des étudiant·es de divers pays et territoires colonisés. Sans oublier les nombreuses organisations missionnaires qui s’implantèrent à Fribourg et tissèrent des liens entre la région et le monde entier. Le canton connut une industrialisation tardive. Au milieu du 19e siècle, l’agriculture fribourgeoise vivait une période de haute conjoncture, notamment grâce à l’essor de la production fromagère. Le raccordement au réseau ferroviaire encouragea la création de grandes entreprises industrielles, qui se multiplièrent jusqu’à la Première Guerre mondiale. Parmi elles, les fabricants de chocolat Cailler et Villars, qui dépendaient des importations de cacao en provenance des colonies. Fribourg n’en demeura pas moins un canton rural, la majorité de sa population travaillant dans le secteur agricole jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’histoire de Fribourg montre qu’en Suisse, le colonialisme était présent non seulement dans les centres urbains, mais aussi dans les campagnes et les couches sociales paysannes. La région offre donc un exemple typique des liens étroits que la Suisse entretenait avec les colonies, tout en possédant ses propres spécificités. Elle ouvre des perspectives sur le passé et le présent dont l’intérêt dépasse de loin les frontières régionales.

Identité collective

L’« identité collective » désigne l’identité que construit un groupe social, ce qu’il faut entendre lorsque ses membres disent « nous ». Le groupe définit des caractéristiques communes censées le distinguer des autres groupes. L’identité collective contribue à resserrer les liens au sein du groupe et à mettre à distance celles et ceux qui n’en font pas partie.

Impérialisme

Cette notion fait référence à la politique et à la stratégie d’une nation qui cherche à étendre sa sphère de domination et d’influence. Elle implique notamment la conquête de nouveaux territoires ou le contrôle politique, militaire et économique exercé sur des régions et des populations.
La période allant de 1870 à la Première Guerre mondiale est nommée l’« âge de l’impérialisme » ou « impérialisme triomphant ». Plusieurs grandes puissances européennes étendirent si rapidement leur zone influence sur toute la planète qu’elle donna lieu à une farouche compétition pour les terres à coloniser.

Légion étrangère

La Légion étrangère est un corps de l’armée française majoritairement constitué de soldats d’une autre nationalité. Fondée en 1831 par le roi Louis-Philippe, elle ne fut déployée qu’à l’extérieur du territoire français, c’est-à-dire dans les colonies. Ses rangs comptaient de nombreux soldats suisses en raison de la longue tradition du mercenariat.
À partir du milieu du 19e siècle, le gouvernement suisse interdit à tout citoyen helvétique de s’engager dans une armée de mercenaires, mais la Légion étrangère étant considérée comme un corps d’armée national, les citoyens suisses furent autorisés à s’y enrôler jusqu’en 1927. On estime que près de 40 000 Suisses auraient rejoint la Légion étrangère depuis sa fondation.

Magasins de denrées coloniales

Dans les magasins de denrées coloniales, les Européen·nes pouvaient acheter des aliments et d’autres produits importés des colonies comme le riz, les épices, le café, le sucre et le thé. Très répandus durant la période coloniale, ces magasins disparurent progressivement à partir des années 1970. Il en existe encore un dans la ville de Zurich.
En Suisse alémanique, la Migros continue à appeler une partie de son assortiment « denrées coloniales »

Mémoire collective/culture mémorielle

Chacun·e de nous fait partie d’une famille, d’un quartier, d’une société, d’une ou plusieurs cultures. Ces groupes possèdent une vision du passé qui leur est propre, commune à tous leurs membres. La mémoire collective conserve le souvenir d’événements que nous n’avons pas vécu personnellement, mais que nous connaissons par exemple à travers des récits ou des albums photos. On nomme culture mémorielle la mémoire collective évoquée au présent et la façon dont les individus et les communautés se rapportent à leur propre passé.
De quoi nous souvenons-nous ? Quelles dates célébrons-nous ? Quels noms donnons-nous à nos rues et à nos places ? Quelle histoire nos manuels scolaires racontent-ils ? Par oral ou par écrit, la transmission du passé est constitutive de l’identité commune d’un groupe, elle lui donne son assise et garantit que ses membres se reconnaissent en lui. La mémoire collective est influencée par la situation présente, qui détermine le regard que nous portons sur le passé, que nous tendons d’expliquer à l’aide des histoires qui nous ont été transmises. Certains aspects sont plus ou moins consciemment effacés ou ne sont pas racontés, afin de créer une certaine image du passé. La mémoire collective est un phénomène très complexe, en perpétuelle évolution. En Suisse, par exemple, on aime célébrer les exploits de Guillaume Tell comme l’un des moments fondateurs de la Confédération. Cette histoire compte parmi les grands mythes nationaux et se transmet de génération en génération. Le fait que Guillaume Tell n’ait jamais existé est secondaire.

Mercenariat

Un mercenaire est une personne qui combat dans une armée étrangère contre une rémunération fixée par contrat. Les puissances européennes eurent très largement recours aux mercenaires suisses, et ceci jusqu’à la fin du 19e siècle.
La Constitution fédérale de 1848 restreignit le mercenariat et en interdit certaines formes, mais celui-ci resta autorisé à titre individuel jusqu’en 1927. Au 20e siècle, des Suisses servaient encore dans des armées coloniales telles que la Légion étrangère ou les troupes coloniales néerlandaises.

Mission

On trouve déjà dans la Bible des appels à convertir d’autres personnes à la foi chrétienne. Avec l’expansion coloniale, le christianisme prit pied dans des régions non européennes et fut imposé à leurs populations.
La mission conférait aux puissances coloniales une légitimité morale justifiant leur entreprise de domination sur d’autres groupes humains : l’oppression était présentée comme une libération, visant à éduquer et à sauver les âmes des « païen·nes ».

Paternalisme

Le paternalisme désigne un mode de domination qui tire son autorité et sa légitimité d’une mise sous tutelle. Il use d’un discours mystificateur selon lequel le pouvoir exercé sur l’« Autre » ne vise que son bien.
En contexte colonial, les personnes colonisées étaient fréquemment représentées comme des « enfants » n’ayant pas encore la capacité de décider ce qui était bon pour eux. Le paternalisme était un trait marquant des missions, avant qu’elles ne commencent à faire leur autocritique dans les années 1950 et se départissent progressivement de cette attitude.

Photographies coloniales

Les photographies coloniales ont toujours été prises dans des contextes marqués par l’asymétrie des rapports de pouvoir. Les personnes colonisées étaient parfois contraintes de poser devant l’objectif des colonisateur·rices, l’appareil devenant ainsi un instrument de la colonisation. Ces photographies étaient ensuite exposées dans les pays d’origine des colonisateur·rices, envoyées comme cartes postales ou servaient à fonder des thèses racistes.
L’appareil-photo contribua à fabriquer et à diffuser une culture coloniale qui véhiculait une certaine image des personnes et des situations coloniales, image souvent très éloignée de la réalité. Les individus photographiés devaient porter tel vêtement, prendre telle attitude, arborer telle expression sur leur visage. Des mises en scène particulièrement populaires montraient les colonisateur·rices assis·es au milieu d’un groupe de colonisé·es debout ou agenouillé·es. La disposition spatiale reflétait la hiérarchie sociale. Les photographes utilisaient à dessein les moyens techniques de la photographie : les longs temps de pose accentuaient les différences de couleurs de peaux ; toute la lumière était dirigée sur les personnes blanches, alors qu’on distinguait à peine les visages des personnes noires.

Racialisme

Les théories « racialistes » classent les êtres humains en différentes « races ». Ces théories furent très en vogue au 19e siècle et au début du 20e siècle. Des anthropologues et des ethnologues assignèrent les êtres humains à des « races » distinctes en fonction de critères comme la couleur de la peau, la taille ou les cheveux.
Il n’était pas rare qu’on prête à chacun de ces groupes des caractéristiques ayant trait à l’intelligence, au développement culturel, au comportement sexuel ou au tempérament. Cette classification s’accompagnait d’une hiérarchisation des groupes humains, qui dotait le racisme d’une base prétendument scientifique. Les savant·es de la fin du 19e siècle s’accordaient sur quatre « grandes races » : caucasoïde, mongoloïde, australoïde et négroïde. Selon une opinion alors répandue, le mélange des « races » était supposé conduire à la dégénérescence du patrimoine génétique, raison pour laquelle de nombreux pays interdirent les « mariages mixtes ». La catastrophe de la Seconde Guerre mondiale et les atrocités de la Shoah entraînèrent une remise en question du racialisme. Depuis les années 1950, la notion de « race » a progressivement perdu toute valeur scientifique. Partout dans le monde, des chercheur·ses ont démontré que les différences de capacités intellectuelles entre les « races » sont infondées et que le métissage n’a aucun effet néfaste. La ségrégation raciale n’en a pas moins persisté jusqu’à la fin des années 1960 dans certains États du Sud des États-Unis, et l’Afrique du Sud n’a officiellement aboli le régime d’apartheid qu’en 1991. De nos jours, il est universellement admis que le racialisme n’a pas de fondement scientifique. En français, le mot « race » est la plupart du temps placé entre guillemets et le racialisme dénoncé comme une « pseudoscience ».

Racisme anti-Noir

Le racisme contre les Noir·es est une forme spécifique du racisme (tout comme l’islamophobie ou l’antisémitisme), car il possède une dimension historique unique. Il prend racine dans un texte biblique — le mythe de la malédiction de Cham — et se prétend donc conforme à la volonté divine.
L’impérialisme européen s’est servi du racisme anti-Noir pour légitimer l’esclavage et le colonialisme. C’est le racisme qui frappe le plus grand nombre de personnes dans le monde, car la couleur de la peau est une caractéristique physique qui saute aux yeux.

Racisme ordinaire

Le racisme ne se manifeste pas toujours ouvertement comme dans les slogans de l’extrême droite. La notion de « racisme ordinaire » fait référence à une forme de racisme subtile et voilée. De nombreuses personnes y sont confrontées dans leur vie de tous les jours, par des blagues, des préjugés ou des attitudes stigmatisantes à l’égard de certaines catégories de la population. Selon les contextes, ces personnes feront l’objet d’une attention indésirable ou seront ignorées comme si elles n’existaient pas.
Le « racisme ordinaire s’appuie sur des stéréotypes et des préjugés pour identifier « l’Autre », celui ou celle qui ne correspondent pas à ce que la société majoritaire considère comme normal. Cela ne signifie pas que chaque individu au sein de cette majorité est lui-même raciste. Mais du fait de son éducation et des informations auxquelles il est exposé à travers les médias, il reproduit des croyances et des comportements discriminants à l’égard de certaines personnes, par exemple en leur prêtant des caractéristiques censées être typiques du groupe auquel elles appartiennent. En général, le racisme ordinaire prend forme sur plusieurs générations, il est donc perçu comme une comportement « normal ». Les personnes visées soulignent fréquemment que ce racisme insidieux et non intentionnel n’est pas moins blessant que celui qui s’exprime par des propos injurieux. Il demeure en revanche difficilement décelable pour celles et ceux qui n’en sont pas victimes. La notion de « racisme ordinaire » permet de le différencier des formes plus ou moins flagrantes de racisme auxquelles recourent certain·es politicien·nes, journalistes et institutions.

Stéréotypes

Les stéréotypes sont des affirmations généralisantes et simplificatrices (par exemple sur les femmes, les Suisses, les jeunes). Les stéréotypes relatifs à soi-même et aux autres sont solidement ancrés sous une forme figée dans le sens commun. Ils sont de ce fait largement partagés et évoluent très peu.
Même si les groupes visés ne se comportent pas du tout comme le prétendent les stéréotypes, ceux-ci ne sont pas rectifiés. À la différence des préjugés, le recours aux stéréotypes est rarement conscient. Même s’ils peuvent avoir un contenu positif, ils restent des interprétations généralisantes qui ne décrivent pas la réalité.

Sud global

L’appellation « Sud global » ne désigne pas seulement une réalité géographique. Elle se veut aussi une alternative supposément neutre aux expressions « Tiers Monde » ou « pays en voie de développement ».
Cette expression reflète un état de fait hérité du colonialisme, dont les conséquences se font encore sentir dans le monde d’aujourd’hui : elles pénalisent les pays du Sud et confèrent à ceux du Nord un avantage décisif, d’où un accroissement des inégalités à l’échelle de la planète. Le concept de Sud global est néanmoins critiqué comme trop généralisant et simplificateur, et donc inapte à rendre compte des conditions réelles. Il faudrait privilégier des appellations géographiques plus concrètes et plus précises, par exemple le nom des pays dont il est question.